Évolutions ces dernières décennies et nature des dangers
La LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) d’Île-de-France vient de publier son deuxième atlas des oiseaux nicheurs. Le premier, qui portait sur les observations effectuées jusqu ‘en 2008, ne concernait que Paris intra-muros, alors que ce nouvel ouvrage, avec les observations effectuées jusqu’en 2018, s’intéresse au Grand-Paris. Mais les comparaisons sur 10 ans ne sont donc possibles que pour Paris intra-muros. Nous avons donc les informations sur les espèces en déclin, celles qui sont stables, et celles en augmentation sur cette période. L’Atlas est présenté ici.
Cette parution a été pour notre association l’occasion d’un petit travail sur l’avifaune de notre ville. La suite de ce texte s’écrira à la première personne, dans la mesure où il se basera sur les observations effectuées depuis près de 30 ans par notre président.
28 ans d’observations.
Je suis arrivé en 1992 dans un pavillon doté d’un jardin, situé sentier Darwin, soit proche du centre-ville. Dans la mesure où j’avais quelques connaissances en ornithologie, j’ai commencé à noter les espèces que j’observais dans ce jardin, ou depuis le jardin.
Voici la liste des 36 espèces que j’ai pu ainsi observer de 1992 à 2020, date à laquelle ce texte est rédigé. Elle est présentée dans l’ordre dans lequel j’ai noté ces observations.
Moineau domestique – Merle noir – Pie bavarde – Troglodyte mignon – Fauvette à tête noire – Verdier d’Europe – Mésange charbonnière – Mésange bleue – Accenteur mouchet – Pinson des arbres – Rouge-queue noir – Tourterelle turque – Pouillot véloce – Roitelet huppé – Rougegorge familier – Pigeon ramier – Étourneau sansonnet – Serin cini – Chardonneret élégant – Pic épeichette – Grive musicienne – Faucon crécerelle – Grimpereau des jardins – Geai des chênes – Mésange noire – Mésange à longue queue – Corneille noire – Martinet noir – Hirondelle de fenêtre – Hirondelle rustique (anciennement hirondelle de cheminée) – Mouette rieuse – Grive mauvis – Perruche à collier – Mésange huppée – Linotte mélodieuse – Grive litorne
Si certaines espèces sont bien connues de toutes et tous, d’autres ne vous diront peut-être rien. Ne vous inquiétez pas : nul besoin de connaître ces oiseaux pour comprendre la suite de ce document !
Vous avez remarqué que certaines espèces se trouvent en caractères italiques. Il s’agit de celles que je n’ai plus observées depuis plusieurs années, parfois depuis 10, voire 20 ans. Et encore n’ai-je pas signalé ainsi celles que j’observe encore, mais beaucoup moins souvent, et en nombre beaucoup moins important, comme le Moineau, le Merle, le Troglodyte, la Fauvette, l’Accenteur, le Rouge-queue, le Pigeon, le Geai, le Martinet ou encore les Hirondelles.
Comparaison des espèces en baisse.
Si l’on se réfère à l’Atlas cité, nous avons un déclin de certaines de ces espèces dans Paris intra-muros au cours des 10 dernières années. Il apparaît donc cohérent de les retrouver en disparition dans mon jardin.
Tel est le cas du Verdier, de l’Étourneau, du Serin, du Chardonneret, du Pic épeichette.
On peut ajouter que la raréfaction dans Paris de l’Accenteur, des Hirondelles, du Martinet et du Moineau vient corroborer mes propres observations.
Comparaison des espèces stables.
Plus étonnant, c’est l’espèce que je ne vois plus alors qu’elle est stable à Paris : la Grive musicienne.
Sans compter que je note en forte diminution des espèces notées stables à Paris : le Geai, le Merle, le Rouge-queue.
Comparaison des espèces en augmentation.
Encore plus étonnant, ce sont les espèces disparues de mon jardin, alors qu’elles sont en augmentation à Paris.
Il s’agit là du Roitelet, du Pinson, de la Mésange huppée, du Pouillot ou encore de la Tourterelle turque.
Et des espèces que je note en forte diminution sont dans l’évolution inverse à Paris, comme la Fauvette ou le Troglodyte,
Avertissement.
Il n’est pas question ici d’extrapoler à tout Villejuif les observations, ainsi que les leçons que nous allons en tirer, effectuées dans mon jardin. Il est évident que des espèces que je ne vois plus dans ce jardin sont toujours visibles à d’autres endroits de Villejuif : friches industrielles, parcs, voire autres jardins.
Notons cependant que sa situation est proche du centre-ville, donc dans une zone fortement urbanisée, et dans laquelle ces dernières années les constructions nouvelles ont fleuri.
Il est seulement question de voir ce que nous disent les comparaisons avec les évolutions dans Paris, et de tenter d’en démêler les liens avec les risques technologiques sur lesquels travaille notre association.
La pression du bâti.
Lorsque des promoteurs acquièrent des terrains en zone pavillonnaire, il s’agit souvent de maisons qui occupent le dixième de la surface du terrain, le reste étant un jardin plus ou moins diversifié, en arbres, arbustes, plantes à fleur et cultures potagères. Ces espaces verts privatifs produisent insectes et graines permettant de faire vivre une avifaune importante.
Mais les promoteurs veulent y implanter le plus possible de logements et détruisent nombre de ces espaces, remplacés par de plus petits espaces « verts » dotés d’une végétation très pauvre, inapte à reconstituer la biodiversité qui y régnait auparavant. Il nous semble donc qu’il convient que le futur PLU (Plan Local d’Urbanisme) ou les amendements à l’actuel, devraient intégrer cette dimension. Dans ce quartier comme à Paris, l’avifaune est en déclin dès lors que le bâti gagne du terrain.
Les conséquences de l’isolation thermique.
L’isolation thermique par l’extérieur entraîne la disparition des cavités, des fissures, dans lesquelles de petits animaux, micro-mammifères, reptiles, insectes et oiseaux, peuvent nicher ou s’abriter. Il en est d’ailleurs de même pour tout mur en pierres ou briques apparentes.
Loin de nous l’idée de nous opposer à cette forme de rénovation, tout à fait indispensable. Mais ne pourrait-elle s’accompagner de l’obligation de la pose de nichoirs à oiseaux, d’hôtels à insectes, qui pallieraient cet appauvrissement de l’écosystème ? Encore une idée à introduire dans le PLU, vraisemblablement.
Le rôle du « zéro phyto ».
Si la mairie de Paris a imposé dès les années 90 sa démarche de « zéro phyto », bannissant les produits destinés à tuer les « mauvaises » herbes, les insectes « ravageurs », et donc les organismes qui s’en nourrissent, oiseaux ou chauves-souris par exemple, dans notre ville la démarche s’est mise en place beaucoup plus tard, dans les années 2010, en fait sous la pression de la nouvelle réglementation nationale. Ce décalage est sans doute une partie de l’explication du phénomène mis en lumière ci-dessus.
Notons de ce point de vue que la réglementation actuelle n’interdit pas le recours aux produits phytosanitaires en dehors des services publics et des particuliers. Liberté est laissée aux entreprises industrielles sur leur terrain propre, aux entreprises d’entretien des espaces verts des copropriétés, et aux agriculteurs. D’où l’intérêt de l’adoption par notre ville de la charte « Villes et Territoires sans perturbateurs endocriniens ».
Et la santé humaine ?
Notre association s’intéressait jusqu’à présent aux conséquences en termes sanitaires des risques technologiques. En intervenant sur le terrain de la biodiversité, nous aventurons-nous dans un nouveau domaine ? Nous ne le pensons pas. Et pour au moins deux raisons.
D’abord, il est maintenant couramment admis par les scientifiques que la fréquentation de la nature a un effet anti-stress sur le fonctionnement de notre mental. Que ce soit avec notre jardin, ses plantes et les animaux qui le peuplent ou le visitent, que ce soit avec notre balcon, les plantations que nous pouvons y faire et les animaux que nous pouvons y observer, beaucoup plus qu’avec des sorties ponctuelles dans la nature, cela a un effet bénéfique sur notre psychisme et, nous n’en doutons pas, contribue à réduire les désordres mentaux qui pourraient nous atteindre du fait d’un fonctionnement social souvent cause de stress.
Ensuite, les travaux des épidémiologistes nous montrent que la réduction des espaces vitaux de différentes espèces, et de ce fait leurs interactions très récentes à l’échelle de l’évolution, sont de nature à expliquer la survenue d’épidémies. La peste, la rage, Ebola ou la récente pandémie de Covid 19 sont à ranger dans cette catégorie d’atteintes graves à la santé humaine. Sachons en tirer les conséquences en termes de maintien d’espaces vitaux et de conditions de vie des autres espèces vivantes, afin d’endiguer cette 6ème extinction qui est en cours, et d’éviter que le pronostic vital de notre propre espèce ne soit fortement engagé.